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ثقافة Ghouroub de Fakhri Ghezal: Bribes d'un chaos tunisien...

نشر في  24 ديسمبر 2015  (12:22)

Entre lui et l'avant-première de son film "Ghouroub" une trentaine de kilomètres. Lui, c'est Fakhri Ghezal, artiste tunisien condamné à un an de prison conformément à la fameuse loi 52 relative à la consommation de stupéfiants.

Vendredi 17 décembre, 19h30, un coin du voile se lève sur "Ghouroub" au Cinémad'art à Carthage. Un large public de spectateurs solidaires est venu assister à cette première projection, tandis que Fakhri, son géniteur, croupissait injustement dans une prison tunisienne. 

 Ce n'est pas la première fois que cela arrive en Tunisie d’après-révolution. En 2013, le cinéaste Abdallah Yahia a connu le même sort. Alors que son film "Sur cette terre" était projeté au festival du cinéma des droits de l'homme, et primé en sus, Abdallah Yahia se trouvait derrière les barreaux de la prison Mornaguia, jugé lui aussi selon l'article 52. Curieuse similitude des faits et des peines.
 
Mais qu'importe les barreaux et les murs, puisque Fakhri Ghezal était bel et bien présent au Cinémad'art grâce à son film "Ghouroub" produit par Ala Eddine Slim, Ali Hassouna et Ismaël Lëamsi. Le public a bien entendu sa voix et regardé à travers ses yeux.
 
Fakhri Ghezal pose sa caméra dans un chantier, une maison en cours de construction. Un espace mi-clos, mi-ouvert que s'approprie le temps d'une vie provisoire des employés du bâtiment issus des terres marginalisées de ce pays.
 
 
La caméra dessine alors la sur-précarité des êtres et focalise sur des instants particuliers de leurs vies tels que la scène du tuyau que les jeunes employés utilisent pour laver leurs membres à la fin des travaux, sur les corps vigoureux en train d'accomplir les durs tâches du bâtiment, sur cette scène de préparation du repas, ou sur leurs échanges de fin de journée concernant une rencontre amoureuse ou les péripéties de la vie.
 
Mais au-delà de la marginalité que dénonce l'objectif de Fakhri Ghezal, il y a lieu de s'attarder sur sa vision de l'espace filmé. Ghouroub est un film à géométrie variable. Lumières ombres, pénombres, architecture évolutive constituent les piliers de cette oeuvre première.
 
Dans cet espace chaotique à la tunisienne, une perdition humaine élit domicile et Ghezal la met en exergue lorsqu'il filme par exemple un des deux personnages principaux de son film en train de danser en orientant la caméra sur les trois-quarts du corps en question en éliminant la tête. 
 
Ni plan américain, ni italien non plus, mais un plan qui dessine l'anonymat, un corps dansant sans tête, ni visage ni nom. Une présence incomplète dans un pays qui réprime, qui néglige, qui marginalise. Un système dont les voies sont sans issues et dont les êtres sont brimés.
 
ِC'est cette perdition que filme Fakhri Ghezal par bribes dans Ghouroub, la perdition des êtres dans une géographie en ruine. Ruine généralisée dans un pays qui ne trouve pas meilleur moyen que d'emprisonner ses jeunes et ses artistes. Le coucher de soleil "Ghouroub" est bien installé dans le pays nommé Tunisie en attendant qu'un jour, les brides soient enfin lâchées. Un jour peut-être
 
-Fakhri Ghezal et ses deux amis artistes Ala Eddine Slim et Atef Maatallah ont été libérés le lundi 21 décembre 2015. La Cour d’appel de Nabeul a prononcé un non lieu pour vice de procédure.
 
Chiraz Ben M'rad